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vous parliez. Vous avez remué bien des choses qui dormaient en moi, et son cher et vénéré souvenir par-dessus tout, Raymond. Je résistais en vain, j’étais avec vous, avec lui, contre moi-même dans ce dialogue où je représentais la sottise.

— La sottise passagère de ton temps, non la tienne propre, Dieu merci ! reprit Raymond. Si je l’ai prise à partie tout à l’heure, la folie moderne, c’est que la leçon particulière ne vaut jamais la leçon générale, mais je n’ai pensé qu’à toi, mon cher, mon grand enfant. Nos amis me le pardonneront. — Entre nous, je ne t’ai amené ici que dans l’espoir que l’heure sonnerait où tu pourrais m’entendre. J’ai été servi à souhait ; il ne s’est pas dit un mot par nous tous depuis quelques jours dont tu n’aies pu faire profit. Si tu es convaincu, que comme tant d’autres tu étais dans le faux, dis-le sans mauvaise honte, dis-le tout haut. Il n’y a autour de toi que d’honnêtes gens pour recevoir cet aveu, tu dois le comprendre depuis que tu nous écoutes : fais-le donc, ne rougis pas d’être meilleur que tu ne te montres, n’imite pas ces sots qui serrent leurs qualités dans des cachettes et ne donnent de l’air qu’à leurs sottises ; tout le monde t’applaudira. Quant à moi, je n’aurai pas perdu ma journée et je serai aussi fier que si j’avais prêché à Notre-Dame.

— Et tu n’aurais fichtre pas tort… s’écria Max.

— Mon bon, mon cher Raymond ! dit Robert en se jetant au cou de celui-ci. Comme ma mère va être contente !… Et Julie !… — Ah ! comme j’ai mal vécu !  !  ! »

Fouillant alors dans sa poche par un geste rapide :

« Je veux pourtant que vous sachiez, s’écria-t-il, à quoi, pour la plupart, nous perdons notre vie. Pour ma punition, lisez ceci, Raymond ; c’est ce qu’on appelle une lettre d’amour, au cercle.

— Tout haut ? dit Raymond, interrogeant Robert du regard.

— Tout haut, dit Robert ; l’auteur adore la publicité. »

Raymond lut :

« Mon petit Roberichon,

« Quelle épreuve que la vie ! Tout y est déveine pour moi depuis ta fuite de Bade, et j’aurais aussi bien fait de te suivre, fut-ce à pied, jusqu’à Dresde, malgré ce grand tigre de Raymond.

« Il est joli le métier qu’il fait, ton monsieur Raymond, ton soi-disant tuteur, de séparer les cœurs et les bourses ! et cela lui convient bien, à