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matin, le chômage ne sera pas de longue durée ; d’ailleurs je pourvoirai à tous vos besoins, comme n’eût pas manqué de le faire celle qui est partie. Dans peu vous quitterez cette vilaine maison. En attendant, prenez ceci jusqu’à dimanche. »

Je sentis sa main qui glissait de l’argent dans la mienne.

« Jamais ! m’écriai-je, jamais ! en repoussant son offre avec indignation.

— Ne vous fâchez pas, reprit-il, ce que j’en faisais, c’était pour votre bien. Je croyais être votre ami. Vous accepterez quand vous me connaîtrez mieux ; je n’ai pas le temps de vous en dire davantage, il faut que je vous quitte. À dimanche. »

Il voulut s’emparer de ma main…

Oh ! oui, je la quitterai, cette vilaine maison, mais non pour te suivre ; je retrouverai ma chambrette de la chaumière avec ses rideaux blancs. Comme les heures s’écoulent lentement ! Enfin voici la nuit. Demain, samedi, je recevrai la réponse de ma mère. Le sommeil arrive ; je voudrais que ce fût déjà demain.

« Mamzelle, une lettre ! » Ce cri de la portière me réveille en sursaut. Je la prends, je la porte à mes lèvres. Je la lis tout haut.

réponse de mathurine à rose.
« Ma chère enfant,

Que de malheurs depuis que tu es partie ! Bruneau s’est blessé en faisant du bois à la forêt, Jacqueline est malade ; il faut vivre et payer le médecin, et nous n’avons pour cela que la journée de Jacques, qui s’est engagé pour servir les maçons. Il nous serait impossible de te recevoir. Monsieur le curé, qui nous a lu la lettre, dit que toutes les petites filles regrettent ainsi le village les premiers jours, qu’il faut que tu travailles, que tu es grande, et que si tu es sage, Dieu ne t’abandonnera point. C’est là ce qu’espère celle qui se dira toujours

Ta mère dévouée,
Mathurine. »

Je retombe anéantie sur mon lit. Ainsi donc plus d’espoir ; cette