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II

Si l’on en croit les calculs, et plus encore les hypothèses des savants, la terre, à l’époque où elle fut lancée dans l’espace, aurait été incandescente comme le soleil ; elle se serait ensuite, et peu à peu, refroidie, de façon que sa croûte extérieure pût devenir solide et successivement habitable pour des créatures de diverses espèces ; mais ce n’aurait été qu’à travers les révolutions physiques qui ont été formulées si poétiquement par Moïse, dans les sept jours ou époques géogoniques de la création. Dans ces révolutions, le globe, dont les matières intérieures étaient toujours bouillonnantes, aurait, en se boursouflant dans certaines parties, en s’affaissant dans d’autres parties, bouleversé sa croûte superficielle dans sa structure et ses substances, fait varier la nature et la position de sa surface, déplacé à chaque fois la masse des eaux, inondant ce qui était terre habitable mettant à sec ce qui était le fond des mers, détruisant les espèces créées pour leur en faire succéder de nouvelles.

La plus ancienne de ces révolutions, celle peut-être qui a donné naissance à la terre elle-même, a mis à découvert des masses de roches granitiques qui semblent les antiques fondements et comme la charpente entière du globe. On ne saurait imaginer l’aspect que pouvait avoir, à une époque si reculée, le terrain où est situé Paris, alors que la terre semblait une immense mer d’eau bouillante où apparaissaient de loin en loin des écueils brûlants de granit, de grès, de porphyre, et dans laquelle s’ouvraient des milliers de volcans ayant des cratères de plusieurs lieues de diamètre. Peut-être le terrain de Paris était-il un de ces récifs de granit peut-être les éléments de cette roche se trouvaient-ils à l’état de cristal, ou bien, modifiés par des oxydes métalliques, à l’état de rubis, l’améthyste, de saphir, de topaze ; et alors Paris aurait apparu sur le globe naissant, comme une énorme pierre précieuse, bijou de la création, éclatante de mille feux, riche de mille couleurs. Peut-être encore ce terrain était-il un de ces effroyables volcans dont nous venons de parler ; et des colonnes gigantesques de matières en fusion auraient été lancées du même foyer d’où sont parties depuis tant de paroles qui ont incendié le monde.