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ces marchandises entrent dans la catégorie de ces innombrables superfluités que vous avez condamnées avec une si haute raison. Suivez-moi bien, monsieur. Les étrangers n’ont du goût pour ces épingles dorées, ces peignes d’écaille, ces rubans de soie, ces éventails de dentelle, ces étoffes suavement diaprées, ces mouchoirs délicats, ces chaussures élégantes, que parce que les Parisiennes les ont portées et leur ont donné la consécration du goût, le baptême de la mode. Du jour où vous aurez réussi à les faire renoncer à se parer de ces objets si odieux au point de vue de la religion, mais malheureusement si utiles au point de vue du commerce, vous aurez réussi pareillement à faire que les deux Amériques, les deux Indes, toutes les capitales du monde, même celle du monde religieux, ne les demanderont plus à l’industrie parisienne, au commerce parisien, qui, par là, aura perdu cent millions sur ses exportations à l’étranger. »

Le missionnaire écoutait profondément.

« Comme chrétien, je suis de votre avis : ce luxe est un péché ; comme ministre du commerce, je suis forcé de vous montrer toutes les pétitions qui me sont journellement adressées contre vous par le grand et le petit commerce de Paris, l’un et l’autre effrayés de votre influence. J’ajoute que, comme chrétien, je ne voudrais pas retrancher un mot de vos anathèmes contre la mode, mais que, comme ministre, je donnerais cent mille francs à celui qui inventerait une frivolité de plus, capable d’augmenter notre industrie et nos exportations. Enfin je termine par vous dire, toujours comme ministre du commerce, que je ne puis vous autoriser, d’accord avec mes confrères les autres ministres, à prêcher dans le même esprit sur le même sujet. »

Le missionnaire salua le ministre du commerce, et ne remonta plus en chaire.

Un mois après, le ministre fut destitué.

progrès dans l’éducation d’une parisienne.

Sous l’ancien régime, il n’y avait pas une Parisienne sur cent qui sût écrire ; cela s’explique : les pensionnats, institution impériale, n’existaient pas, et les filles de la noblesse et de la riche bourgeoisie seules allaient au couvent, où elles ne recevaient qu’une éducation incomplète. Vint la révolution. Dès lors chaque famille, chaque foyer, prenant une part personnelle aux affaires publiques, la lecture devint une nécessité,