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Deuxième époque. La scène change à table. Tout est bien cher. Les légumes sont hors de prix. Le bois se vend comme s’il venait de Campêche. Les fruits, oh ! quant aux fruits, les princes, les banquiers, les grands seigneurs seuls peuvent en manger. Le dessert est une cause de ruine. Adolphe entend souvent Caroline disant à Mme Deschars : « Mais comment faites-vous ?… » On tient alors devant vous des conférences sur la manière de régir les cuisinières.

Une cuisinière, entrée chez vous sans nippes, sans linge, sans talent, est venue demander son compte en robe de mérinos bleu, ornée d’un fichu brodé, les oreilles embellies d’une paire de boucles d’oreilles enrichies de petites perles, chaussée en bons souliers de peau qui laissaient voir des bas de coton assez jolis. Elle a deux malles d’effets et son livret à la caisse d’épargne.

Caroline se plaint alors du peu de moralité du peuple, elle se plaint de l’instruction et de la science de calcul qui distingue les domestiques. Elle lance de temps en temps de petits axiomes comme ceux-ci : — Il y a des écoles qu’il faut faire ! — Il n’y a que ceux qui ne font rien qui font tout bien. — Elle a les soucis du pouvoir. Ah ! les hommes sont bien heureux de ne pas avoir à mener un ménage. — Les femmes ont le fardeau des détails !

Caroline a des dettes. Mais, comme elle ne veut pas avoir tort, elle commence par établir que l’expérience est une si belle chose qu’on ne saurait l’acheter trop cher. Adolphe rit dans sa barbe en prévoyant une catastrophe qui lui rendra le pouvoir.

Troisième époque. Caroline, pénétrée de cette vérité qu’il faut manger uniquement pour vivre, fait jouir Adolphe des agréments d’une table cénobitique.

Adolphe a des chaussettes lézardées ou grosses du lichen des raccommodages faits a la hâte, car sa femme n’a pas assez de la journée pour ce qu’elle veut faire. Il porte des bretelles noircies par l’usage. Le linge est vieux et baille comme un portier ou comme la porte cochère. Au moment où Adolphe est pressé pour conclure une affaire, il met une