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Adolphe ne peut retenir une contraction nerveuse.

« Tu ne peux pas t’empêcher de rire, vois-tu, vieux monstre !

— Je ris de ton entêtement.

— J’irai demain chez Mme de Fischtaminel.

— Hé ! va où tu voudras !…

— Quelle brutalité ! dit Caroline en se levant et s’en allant son mouchoir sur les yeux. »

La maison de campagne, si ardemment désirée par Caroline, est devenue une invention diabolique d’Adolphe, un piège où s’est prise la biche.

Depuis qu’Adolphe a reconnu qu’il est impossible de raisonner avec Caroline, il lui laisse dire tout ce qu’elle veut.

Deux mois après, il vend sept mille francs une villa qui lui coûte vingt-deux mille francs ! Mais il y gagne de savoir que la campagne n’est pas encore ce qui plaît à Caroline.

La question devient grave : orgueil, gourmandise, deux péchés de moine y ont passé ! La nature avec ses bois, ses forêts, ses vallées, la Suisse des environs de Paris, les rivières factices, ont à peine amusé Caroline pendant six mois. Adolphe est tenté d’abdiquer et de prendre le rôle de Caroline.

VI
le dix-huit brumaire des ménages.

Un matin, Adolphe est définitivement saisi par la triomphante idée de laisser Caroline maîtresse de trouver elle-même ce qu’il lui plaît. Il lui remet le gouvernement de la maison en lui disant : « Fais ce que tu voudras. » Il substitue le système constitutionnel au système autocratique, un ministère responsable au lieu d’un pouvoir conjugal absolu. Cette preuve de confiance, objet d’une secrète envie, est le bâton de maréchal des femmes. Les femmes sont alors, selon l’expression vulgaire, maîtresses à la maison.

Dès lors, rien, pas même les souvenirs de la lune de miel, ne peut se comparer au bonheur d’Adolphe pendant quelques jours. Une femme est alors tout sucre, elle est trop sucre ! Elle inventerait les petits soins, les petits mots, les petites attentions, les chatteries et la tendresse, si