Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 1.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion, je suis chez ce pauvre diable et je lui fais tort de son lit depuis bientôt quinze jours, après lui avoir fait tort d’autre chose pendant un mois. Qu’as-tu appris ? qu’as-tu vu ? qu’as-tu fait ? et comment tout s’est-il arrangé de ce côté ? Dis-le-moi, et n’aie pas peur de me troubler. Mon coup de pistolet n’a été qu’un coup de sang, suivi d’une saignée ; le cerveau est complètement dégagé et je puis tout entendre.

— Premièrement, lui répondis-je, en ce qui concerne M. Hector, rassure-toi, tu ne lui as fait aucun tort. Il est logé.

— Pardieu, me dit René, je suppose bien que tu n’as pas laissé coucher dans la rue un homme dont je suis l’hôte, après tout, et que tu as fait généreusement les choses pour l’indemniser de cette violation de domicile.

— Hélas ! lui dis-je, je n’ai rien eu à faire, je n’ai rien pu faire pour M. Hector. La Providence y a pourvu.

— S’il est arrivé quelque malheur à M. Hector, me dit René, ne ris pas. Ce nom est marié dans mon esprit au nom de Léocadie, il se lie à un fait qui, quoi qu’il arrive, aura une influence sur ma vie, et je regarderais comme une vraie disgrâce… Voyons, M. Hector n’est pas mort ?

— Non, répondis-je à René ; quelle idée as-tu là ?

— Mais enfin où est-il ? à l’hôpital peut-être, ou malade dans quelque coin ?

— Pas plus à l’hôpital qu’au cimetière.

— Dieu soit loué ! tu m’avais fait peur, s’écria l’excellent René ; mais parle donc !

— Eh bien ! lui dis-je, M. Hector est à Clichy. Le pauvre diable n’a pas reparu chez lui, depuis que, grâce à ta lubie, son logis est devenu le nôtre, et ce n’est qu’hier que Mlle Léocadie a appris sa mésaventure. Le Totor ne manque pas d’une certaine fierté ; ce n’est qu’a la dernière extrémité qu’il s’est décidé à faire savoir à son amie qu’enlevé subitement par un garde du commerce, au moment où il sortait d’une répétition, il se trouvait depuis ce temps-là sous clef.

« Ce n’est qu’hier aussi, et pas plus tôt, que je suis parvenu à trouver Mlle Léocadie, qui avait, en venant s’informer de M. Hector, refusé d’abord de donner son adresse à la concierge. N’ayant reçu ni lettre de M. Hector, ni lettre de M. René, elle s’était crue abandonnée tout à coup du genre humain, et, bien que cela l’eût d’abord étonnée, cette âme forte avait fini par en prendre son parti : « J’en ai tant vu dans ce genre ! » m’a-t-elle dit. Ce n’est qu’hier, enfin, par conséquent, qu’elle a su ce