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— Si votre femme est raisonnable et propre, je pourrai, en effet, m’arranger d’elle.

Mme  Pirard est raisonnable avec les personnes qui le sont, et elle est propre avec un chacun, me dit M. Pirard en ôtant sa casquette, par respect sans doute pour le beau nom que portait sa femme.

— Monsieur déjeune-t-il chez lui ? dit-il encore.

— Oui, mais cela n’est un embarras pour personne ; un pain d’un sou et un verre d’eau, voilà mon ordinaire.

— Pour lors, monsieur, me dit le dogue s’arrêtant tout net et se posant sur ses pattes de derrière, ne montons pas plus haut. Ma femme me disait encore ce matin : « Monsieur Pirard, tant pis pour toi si tu « prends pour le cintième des locataires que je n’aurai pas à leur-z-y faire « des déjeuners à la fourchette, ton déjeuner s’en ressentira. » Descendons, monsieur, descendons, vous ne feriez pas l’affaire de ma femme.

— Que le diable vous emporte ! m’écriai-je. C’était bien la peine de me laisser monter jusqu’ici.

— Voilà encore ce qui n’irait pas à Mme  Pirard, dit M. Pirard ; des vivacités avec moi… elle ne les souffrirait pas ! Elle me respecte et veut qu’on me respecte aussi. Mme  Pirard n’aime que les personnes civilisées.

— Que le diable emporte aussi Mme  Pirard ! ajoutai-je exaspéré.

— C’est en parlant comme cela des dames des concierges qu’on devient un Lacenaire et même un républicain, monsieur, me dit M. Pirard.

— Que t’est-il arrivé ? s’écria René quand je le rejoignis ; tu es rouge comme un coq.

— Rien ; j’ai fait de la politique avec cet animal de portier, et cela m’a animé.

— Bah ! me dit-il, quelle idée ! Et l’appartement ?

— Passons à un autre.

— Pour cette fois, reprit René, je monte avec toi. J’en ai assez de faire le pied de grue sur les trottoirs ; mais laisse-moi porter la parole. Je plais aux portiers et j’arrangerai mieux que toi ton affaire.

« Je me tromperais fort, ajouta-t-il en me montrant une sorte de petite terrasse au milieu de laquelle pendait un écriteau, si cet écriteau ne nous indiquait pas le paradis que tu cherches. Ça a l’air gentil et gai là-haut.

— Soit, lui dis-je, montons ensemble, je ne parlerai plus aux portiers, mais, par compensation, tu ne me parleras de Léocadie que quand nous serons redescendus. Je t’écouterais mal en me livrant à l’examen