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sage, et une profusion de diamants. Vous n’avez pas vu cette pièce-là ? C’est de chose… un garçon d’énormément d’esprit ; on dit même que, sans ses idées religieuses, qui sont tout ce qu’il y a de plus déplorable, il entrerait à l’Académie… Chose, eh ! mon Dieu, je ne connais que lui !

madame. — À propos d’Académie, avez-vous entendu dire qu’un des ambassadeurs japonais, un nommé… un très-grand nom, aspirât à occuper le fauteuil vacant ?… Dame, écoutez donc, en se faisant naturaliser ; il paraît que c’est un puits de science, et fort agréable de sa personne.

madame b. — Ça va être une concurrence redoutable pour Jules Janin.

madame. — Jules Janin est furieux. Cela pourrait bien amener un duel. C’est Ernest qui me racontait tout cela ; il m’a fait mourir de rire. Comprenez-vous, Janin obligé de se fendre le ventre, pour lui qui n’en a pas l’habitude ! c’est à en perdre son latin. Les Japonais, c’est autre chose ! Se fendre le ventre !… ils ne font que cela.

madame c. — Mon Dieu, moi, je les ai rencontrés l’autre jour, rue de Rivoli ; ça ne m’a pas frappée.

madame. — Ah ! ah ! ah !… charmant !… Mais qu’est-ce que vous alliez dire, monsieur A ? Je vous ai interrompu.

monsieur a., cherchant. — Je ne me… souviens plus… Ah ! mille pardons ; je voulais dire que cette nomination de l’abbé Gélon avait, à coup sûr, une portée politique.

madame. — Moi qui adore ces sujets-là, contez-moi cela ; voyons, voulez-vous un bonbon ?

monsieur a. — Merci mille fois. C’est bien simple. Politique de conciliation. (Il tousse.) Vous n’ignorez pas que le cabinet de Vienne se trouva fort indécis lorsque, d’un côté, la Valachie, la Lithuanie, la Poméranie et la…

madame. — Ah ! mon Dieu, qu’est-ce que vous me dites-là ! mais qu’est-ce que ce pauvre abbé Gélon fait là dedans ?

monsieur a. — Je m’explique : après l’hésitation du cabinet de Vienne, le saint-siége inquiet en déféra aux Tuileries, vous comprenez ? cruelle alternative !…

madame. — Sans doute ; mais acceptez donc un bonbon, (elle prend les bonbons sur la table et aperçoit la brochure.) À propos de bonbons, j’ai lu votre petite chose sur les sucres ; oh ! c’est charmant. (Monsieur A. s’incline avec un sourire modeste.) Oui, oui, c’est charmant ; c’est à vous rendre gourmand, si on ne l’était pas tout naturellement.