Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grève déserte, à l’abri d’un pan de rocher, trois individus sont sous le charme d’une conversation soutenue et à voix basse. Un feu de branches mortes et sèches jette sur la figure de ces trois personnages des lueurs sinistres.

À la faveur de la flamme, on reconnaît deux sauvages, enfants des bois, à la figure osseuse et angulaire, aux cheveux plats et longs qui pendaient en mèches sur le dos ; ils ont la mine suspecte et défiante ; dans leurs yeux, plus brillants qu’un jet de flamme, on lit la ruse, l’astuce et la perfidie. Leur teint, couleur cuivre, mélangé de jaune et de rouge, vous disent qu’ils appartiennent à la race Maléchite.

Le troisième est un blanc, gros, trapu, aux épaules carrées, et dont le regard fuyant inspire la méfiance. Sa barbe est rougeâtre et jure affreusement avec ses cheveux noirs comme l’ébène. Ses sourcils se joignent à la hauteur du nez : ils ne forment qu’un trait noir sans interruption. Il s’échappe parfois de sous l’arcade sourcilière un jet lumineux qui semble sortir d’un foyer d’incendie. Il y a une tempête dans le cœur de cet homme. À son air préoccupé, au tic nerveux de son être qui frémit au moindre bruit, on devine facilement que l’orage gronde en lui.

— Le ciel nous protège, la Chouette, n’est ce pas ? siffle le gros trapu.

— Oui, frère. Quand l’ouragan passe sur la mer et incline le front des forêts, le sanglier sort sans crainte de son bouge !

— La Chouette est fort en comparaison, qu’en dis-tu, le Crochu ?