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— Dans ce dernier cas, plutôt que tout autre, tu prêches pour toi ; car alors tu devrais rester pour goûter le bonheur auprès de l’enfant de ton cœur.

George comprit et se surprit à songer comme une petite fille de quinze ans prise en faute.

— Allons ! Mélas. Viens faire une marche dans les champs ! Viens, cela te fera du bien ; l’air est frais et plein de senteurs douces, les oiseaux chantent partout ; nous chanterons avec eux ; notre chant sera une prière, car nous célébrerons Dieu dans la beauté de ses œuvres.

— Merci, George ; je ne me sens pas la force d’aller avec toi. La tête veut me fendre ; c’est le repos qu’il me faut. J’en suis fâché, mon cher, car j’aurais été heureux d’aller avec toi admirer un peu les beaux sites et de jouir, comme il faut, de la liberté qui nous est accordée.

— Je vais y aller seul, et j’arrêterai te voir en revenant.

Un merci involontaire s’échappa de la bouche de Mélas et George sortit.

Le flot un instant contenu de Mélas déborda. Je suis son ami, dit-il. Oh ! comme il est meilleur que moi ! Il me montre de l’intérêt, il me dit qu’il vient à moi ! Oh ! mon Dieu, ayez pitié de moi, car je souffre une douleur qui n’a pas de nom. Pourquoi avez vous mis dans mon cœur cet amour qui ne devait pas être payé de retour ? Pourquoi avoir allumé dans mon cœur cette flamme que je ne puis espérer voir éteindre, et qui me fait croire en la présence réelle de satan en moi ? Ce n’était pas assez de me voir torturé par ce démon cent fois maudit de la jalousie, il fallait ce remord pour augmenter ma souffrance. Je suis donc condamné à vivre au sein de la douleur, comme le paria au milieu de la