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centre du front qui se ride souvent : c’est le signe de la tempête, dans cette âme sans énergie ; ses lèvres ont un frémissement nerveux comme tous ses membres.

Où est donc ma volonté, mon énergie ? se dit il. Quoi, mon âme n’a pas d’empire sur ces nerfs trop faibles ? Je tremble rien qu’à la pensée qu’ils s’aiment. Allons ! plus de résignation, plus d’indépendance, moins de faiblesse, Mélas ! Et il se prend à arpenter la chambre. Non ! non ! reprend-il, je me brise à un rocher, je ressemble au nageur qui ne peut refouler le courant qui l’emmène. Le sang qui bouillonne dans mes veines afflue au cœur et du cœur jusqu’au cerveau. Je suis troublé, inquiet, avec le remords du coupable, et cette excitation me pousse malgré moi à maudire le jour où j’entendis tomber de ses lèvres, ces mots : « Je t’aime ! » Oh ! pourquoi n’est-il pas sorti, à cette heure, de la terre un jet de flamme pour me consumer tout entier ! Je n’aurais pas à souffrir maintenant ce que j’endure. Je sens en moi un feu dévorant ; on dirait que les furies de l’enfer se sont donné rendez-vous en moi pour me tourmenter sans cesse, m’aveugler par la douleur, pour me jeter dans des voies funestes, à jamais mauvaises. George, George, mon ami ! c’est indigne de moi, qui t’ai juré fidélité, de parler ainsi ! Me reconnaîtras-tu ? La raison devrait l’emporter sur la passion qui est toujours mauvaise conseillère ; c’est vrai, mais voyez le malheureux qui se suicide, raisonne-t-il ? Moi, non plus ; le cœur