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— Savez-vous à quoi je pense, Monsieur George ?

— Je serais trop heureux de le savoir, Mademoiselle.

— Ce n’est pas difficile, je vous assure. Voyez-vous ce lac tranquille, dormant dans son lit moelleux ? Il me semble voir Lamartine, ce poëte des âmes tendres, s’inspirant pour chanter en vers sublimes, ce petit joyau qu’on a devant nous.

— Oh ! pourquoi n’ai-je pas le talent de génie du grand romantique Lamartine. Il me semble qu’à cette heure qui me voit auprès de vous, au sein d’une nature agreste et sauvage, j’aurais des expressions de brûlant délire, de nobles expressions vers l’infini, ce je ne sais quoi qui attire et repousse, élève et altère ; je chanterais ces lieux dignes de nous…

— Prenez garde de devenir flatteur, Monsieur George ; ce ne sont pas les paroles les plus sincères, parfois. Mais quittons ce sujet que l’on peut prolonger outre mesure. Vous devez vous sentir heureux maintenant de pouvoir jouir en liberté l’air de la campagne, des bois et des champs, de sentir vos membres moins rebelles à l’exercice volontaire de chaque jour.

— On le comprend mieux qu’on ne l’exprime, Mademoiselle. Nous sommes de vrais oiseaux de passage que les exigences de la vie ont renfermés quelques années. Autant le joug a été pesant, au-