Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

face du lac, empruntant alors au soleil les mille et un reflets du prisme. En voyant ces beautés toujours nouvelles, toujours touchantes, on retrouve sur nos lèvres cette strophe sublime du grand poète Lamartine, dans la romance « Le lac ! »


Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais, sur l’Océan des âges,
Jeter l’ancre un seul Jour ?

Ô Lac, l’année à peine a fini sa carrière,
Et sur ces bords chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir.


Mélas, suant à grosses gouttes sous l’empire de la crainte et de l’effort moral qu’il était obligé de faire, n’eut pas le temps de dire à Alexandrine qu’il l’aimait éperdument depuis le jour où, chez le Notaire Boildieu, il l’avait connue dans toute sa beauté, dans tous ses charmes. Le laissant au milieu de sa phrase inachevée, elle s’élance comme une biche timide, en voyant rayonner le lac ; folle de joie, elle se prend à courir sur le sable fin de la rive. Ses petits cris joyeux troublent les oiseaux qui s’enfuient effrayés, jetant à la brise du ciel leurs notes plaintives, mais pleines d’une harmonie sauvage et grandiose. Cris, chants, lazzis joyeux, tout cela réveillant l’écho des bois, forme un concert digne de ce petit coin de terre enchanté et enchanteur.

Pauvre Mélas ! que lui importent le chant des oiseaux, la grande voix des bois éveillés sous les cris des visiteurs, les beautés du lac et le mirage des grands pins dans l’ombre cristalline ! que lui importe tout cela. Alexandrine a fui ; elle est là, courant sur le sable de la rive, aussi légère qu’une ombre, on la prendrait, les cheveux au vent, le cou libre, la figure illuminée, pour la Néïade, gardienne de ces