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Les travailleurs sont à l’œuvre ; déjà une gerbe de feu lèche la muraille de roches près de laquelle on a placé le foyer. Le chaudron de famille est là ; son ouverture béante voit s’engouffrer pêle mêle patates, lard et poissons, le tout pour former un hachis des mieux conditionnés ; c’est appétissant à voir ; ça peut remettre l’estomac d’un dyspeptique enragé.

Mais pendant que les langues de feu font leur ouvrage, les langues humaines (qui parfois mettent le feu) vont leur train. Il faut le dire à la louange des jeunes filles : elles furent sobres. D’ailleurs elles avaient tant à faire pour prouver leur dextérité. Voyez Amélia Goslau, Alexina Marpins et Joséphine Sarnou qui mettent la main à la table, là-bas, sur l’herbe, avec une grâce de Néïdes. Elles arrangent tout avec art, comme tout ce qu’elles font, voire même les petites calomnies quand ce ne sont pas des médisances.

L’heure du repas arrivée, George, l’heureux mortel pour le moment, a pour compagne Alexandrine, qui est d’une amabilité à tourner la tête au jeune homme le mieux cuirassé ; d’ailleurs il n’y a pas qu’Alexandrine qui soit ravissante et capable de tourner la tête à plus fort que n’est George ; car Alexina Marpins, que Mélas conduit, est rose et mignonne, avec ses dents de nacre et des yeux noirs comme ceux de la vierge des bois ; son cou blanc de cygne que protège un fichu coloré se plie avec grâce, comme un jeune saule qui plie sous le zéphire elle a des mains potelées : ce qui est un signe d’esprit, et elle en a à revendre la mutine, si bien que ce pauvre Mélas ne sait que penser de cette enfant coquine qui le nargue et l’amuse. Il vous a un air morose aussi, qui est bien propre à exciter les quoli-