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matin mêlant ses sons plaintifs à cette grande voix de la nature, les ravissantes voix des musiciens des bois, le vol de l’alouette fidèle qui rase la mer, le cri du goéland là bas sur les battures, le vol de la mauve, tout cela charme, enivre, empoigne, étreint l’âme qui pense. Tout cela nous force à soupirer je ne sais quels mots expressifs, quelles exclamations involontaires que disent assez l’impression sentie.

Tout le monde est sur la grève. On se compte. Pas un ne manque. Au large une barque spacieuse attend les voyageurs. Un petit canot s’en détache.

Allons ! Joe ; vite, mon garçon, s’écrie le Notaire Boildieu.

J’y allons, Monsieur le Notaire. Et notre marin, d’une voix forte et vibrante, jette aux échos du rivage ces strophes si bien appliquées à l’heure actuelle :


Amis, la matinée est belle,
Sur le rivage assemblons-nous,
Livrons au vent notre nacelle
Et des flots bravons le courroux.


Tous les cœurs jubilent, au moins en apparence. Qui aurait cru que dans une pareille fête, au milieu de toute ivresse, à la face de ce soleil levant, qui aurait cru que certaines âmes avaient un voile de crêpe dans l’âme ? Elles redoutaient ce jour trop beau qui pouvait avoir une mauvaise fin pour elles seules.

Enfin la misaine est levée, le Gib est préparé et l’ancre est levée. Déjà la barque penche pour mieux bondir sur les crêtes moutonneuses que forme le vent de Nord Est aux beaux jours d’été.