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vite. Je parlais comme tous les hommes ; tu sais bien comme notre pauvre nature est ainsi faite : on croit son voisin ou son ami toujours plus heureux que nous mêmes. Voilà l’explication de mes paroles. Allons, George, pas de nuage. Bonsoir, et à jeudi.

— À jeudi, Mélas.

On se répara. Un soupir oppressé entrouvrit les lèvres de Mélas se rendant chez lui, qui était la maison voisine. Comme les cieux sont limpides, se dit-il, et comme mon âme est agitée ! Pourquoi l’avoir vue pour l’aimer ?


VI

UNE PARTIE DE PLAISIR.


Vite, vite, la mer monte. Allons ! M. George, où donc est votre ami Mélas, ce matin ? Il n’est pas au rendez-vous ? Je ne sais ce qui peut le retarder ? Tiens le voilà, au détour du rocher.

En effet, Mêlas arrivait tout en sueur sur la grève retentissant des joyeux cris des enfants et dont le sable crie sous les pas des jeunes demoiselles arpentant la plage. Les flots fouettés par une jolie brise ne respectent pas les pieds mignons des promeneuses matinales ; elles ne fuient pas à temps et assez vite, et les mers les éclaboussent de leur écume.

Quelle journée ! Comme on respire à pleins poumons ces bouffées de varecs et de salin que soulève la brise encore tiède du matin. Le ciel n’a pas une ride, pas le moindre nuage pour voiler sa beauté azurée. Le soleil, à moitié sur l’horizon, semble surgir d’une vaste fournaise qui le vomit à travers ses éclairs et ses rayons de flammes. Cette traînée lumineuse qui parcourt le ciel avec une vitesse prodigieuse, inonde le ciel, la terre et l’onde. L’Angelus du