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les moyens ici, pourquoi chercher dans les périls, dans les entreprises, ce que nous avons sous la main ?

— Maman, je ne suis pas maître de ce qui se passe en moi. Je sens une volonté plus forte que la mienne et plus forte que mon amour pour vous, qui me pousse vers un but, le seul objet de mon ambition : c’est une idée fixe, c’est comme une vocation claire, ou mieux c’est une monomanie.

— Ainsi, mon George, tu voudrais partir ?

— Mère, ce soir, sous les grands ormes, je pourrai vous chanter :

La mer m’attend, je vais partir… bientôt, mais je ne suis pas sûr de revenir dans deux ans, Capitaine.

— Comment ! tu veux aller sur mer ?

— Oui, maman. N’est-ce pas beau de servir son pays de cette manière ? Il faut, là comme ailleurs, des cœurs francs et probes. Vous m’avez fait ainsi. N’est ce pas un sort digne d’envie, que de devenir Capitaine, commander sur un vaisseau, être là le maître, pour protéger et adoucir les mœurs de ces bandits dont la poitrine dérobe plus d’un noble cœur ?

— Tais toi, George ; tu me fais peur.

— Ne craignez rien, ma mère. Oh ! redoutez pour moi d’autres ennemis que ceux de la mer. D’ailleurs il faut que je suive cette voix qui m’appelle et me dit : la mer doit être ton partage. Il y a en moi je ne sais quoi de mystérieux qui poussait autrefois Attila, le fléau de Dieu, vers des contrées inconnues. Ainsi, mère, j’irai sur l’eau ; dans quatre ans, je serai Capitaine. Oh ! le beau temps alors ; et ses grands yeux avaient jets de flamme, rayonnements de l’âme émue et fière du jeune homme qui se croyait