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au souffle sacré des mots : « Patrie et liberté. » Puis on abandonna le sujet pour parler de Mélas. Tout ce que George en savait, c’est qu’il était bien mort ; Laurent avait la même idée, et il n’était pas seul. Pas une voix s’éleva pour déplorer sa perte.

À cette heure, sur la route poudreuse, un pauvre hère s’avance clopin-clopant. Il se traîne bien difficilement vers la maison d’où s’échappe des flots de lumière et d’harmonie. Cet homme défiguré semble écrasé sous un fardeau pesant. Pour comble de malheur, ses deux bras sont coupés et le reste pend à ses côtés, comme deux branches d’un arbre cassé par le vent. Arrivé sur le seuil de la maison où règne la joie, le mutilé s’arrête. Sa tête se baisse sur sa poitrine qu’un sanglot vient de soulever.

Qu’importe, dit il, le cœur me fait mal, mais j’ai mérité tout ce qui peut m’arriver ; puis il heurta à la porte. Les vieillards levèrent la tête. Un visiteur à cette heure ! c’était un peu fort. La superstition leur fait dire : « Ouvrez ! » au lieu de « entrez ! » La clanche glisse avec bruit, et la porte s’entrouvrant démasque le nouvel arrivant.

Entrez, entrez, crient les vieillards, il y a de la place pour vous.

Le mutilé se découvre et va s’asseoir auprès de l’âtre. Succombant à l’émotion, il faiblit, et les larmes se prennent à couler lentement.

Le bruit ne tarde pas à se répandre qu’un pauvre mutilé est arrivé sous le toit béni et plein de réjouissance. George et Alexandrine, accompagnés de Laurent et d’Armande, les premiers par devoir, les