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ben que je décline sur l’autre bord. Je suis comme le soleil aux trois quarts et plus de sa course. Je vas me coucher bientôt pour toujours.

— Vous êtes poétique, père.


II

UNE VEILLÉE D’AUTREFOIS.


À peine la conversation d’Alexandrine et du vieux juif errant, le père Harnigon, fut elle terminée, qu’on entendit au dehors des voix qui se saluaient mutuellement par de joyeuses et douces paroles. Ce sont des voix fraîches, ricaneuses, pleines de bonhomie.

Venez prendre la fraîche, mesdames, venez. Vous êtes les bien venues, disait Mme  Boildieu. Vous arrivez juste à temps pour faire la causette. Mon mari est allé aux champs. Alexandrine trouve Harnigon de son goût ; me voilà seule et je vous revoie avec plaisir. Qui est-ce qui vous amène ?

— Le beau temps, Madame, le beau temps.

— Que vous êtes donc fines !

Mme  Dubois ne se souciait pas, mais moi je l’ai vite décidée. Entre quasi-voisines il faut se voir, autrement il n’y a pas de vie possible.

— Vous parlez comme un ange, reprend Alexandrine en s’avançant vers les visiteuses qui l’embrassent avec effusion. Ah ! cette vilaine Mme  Dubois qui ne voulait pas venir.

Chère enfant, ça coûte toujours de quitter la maison. Mais pour des amis on peut bien faire des petits sacrifices.

Avec cela qu’on vous voit si peu souvent. Pour moi, si je n’avais pas maman et mon piano durant de longues journées de la semaine, je vous assure que je « baillerais aux corneilles. »