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le baptême d’Armande. Les flots du passé surgirent alors et montrèrent à bien des yeux des souvenirs tantôt heureux, tantôt tristes et navrants.

Pendant huit jours, ce fut le sujet intarissable au coin du feu, dans toutes les familles du village. On vint de toute part pour voir l’enfant perdue et retrouvée, et juger si réellement Alexandrine avait recouvré la raison, et les gens de crier : « Au miracle ! »

Ils avaient bien raison de crier : « Au miracle ! » Oh ! l’amour d’une mère et la voix du sang sont si forts qu’ils peuvent faire des miracles.

S’imagine-t-on la joie, l’ivresse de ces deux êtres intimes. George et Alexandrine, rendus l’un à l’autre à leurs premiers amours, et unis plus intimement par leur enfant si grande déjà, si intelligente et si belle. On avait bien raison de dire qu’elle promettait pour l’avenir. Elle avait la hardiesse et l’agilité des enfants des bois, et conserva une certaine gaucherie naïve qui fit rire bien souvent, élevée sur les grèves, à la porte de la cabane, au milieu des bois ; elle avait grandi comme les joncs, et maintenant que sa taille négligée était relevée par un habillement plus régulier, plus uniforme, elle paraissait plus souple, plus svelte, plus élancée.

George ne cessait de la fixer, et ses regards humides disaient assez les émotions auxquelles il était en proie ; Alexandrine, qui avait conservé un air plus songeur, plus recueilli, Alexandrine qui voyait déjà des fils blancs dans sa chevelure, se contentait de sourire. Alors George, dans son ivresse dont il savourait tous les charmes, ne pouvait contenir ses transports, et ses deux bras enserraient ces deux êtres ; sa vie, son amour, sa joie. Comme il sentait un sang