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Le Curé eut un franc sourire, comme savent sourire ceux qui ont la conscience en paix ; et toi, mon fils, qui a des airs de coureurs des bois, qui es-tu ?

— Je me nomme Laurent Goulard, et c’est toute une histoire que j’ai à vous raconter, si vous voulez avoir la patience de m’écouter.

— Une histoire ? dit le Curé, qui devenait plus sérieux. Pas pour rire ?

— Non, non, Monsieur le Curé, c’est sérieux. Et quand vous aurez écouté vous jugerez.

— Allons ! me voilà juge encore une fois, je t’écoute, mon fils.

Laurent, d’une voix émue, fit le récit de son enfance et de ses aventures ; il parla de son arrivée chez les sauvages, de la connaissance de Fleur-du-mystère à qui il avait enseigné à connaître et à aimer Dieu dont elle n’avait eue avant ce temps aucune notion. Il passa ensuite à l’histoire de cette enfant enlevée, de ses souffrances et de sa délivrance par la mort du Hibou qui avait enlevé l’enfant et qui s’était attiré la haine d’un sauvage qui l’avait tué. Voilà Monsieur le Curé, notre histoire vraie, et laissez moi vous dire que cette enfant doit partir d’ici ; j’en suis sûr, car on m’a dit que le village était à une journée et demie de marche du poste d’où je pars, et je ne saurais m’être trompé.

— C’est une lugubre et triste histoire que tu viens de me conter là. Mon cœur de prêtre s’est ému en voyant la perversité de cet homme que j’ai connu. Mais Dieu soit loué ! dans ses desseins il a voulu conserver cet enfant qu’on croyait morte, et il vous a conduit sûrement ici où elle doit rester. Approche Armande.