Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces revirements étranges qui étonnent d’autant plus que le sujet a été plus pervers, plus méchant.

Mélas, malgré sa haine farouche qui en avait fait presqu’un meurtrier, malgré le démon de la jalousie qui en avait fait un ravisseur, il avait encore au cœur le souvenir presque ineffaçable des bons conseils d’une mère qui l’avait élevé chrétiennement. Son cœur s’était noyé de fiel, mais l’âme avait gardé un côté susceptible de s’attendrir parfois et de s’apitoyer : c’est ce qui le sauva. Au milieu de sa souffrance, il ne put que difficilement penser à sa situation, car il y avait des bourdonnements confus à ses oreilles, sa tête était en feu et des milliers d’étincelles passaient devant ses yeux.

C’est dans ce triste état que la sauvagesse le trouva. Le prenant sur son dos, toute percluse qu’elle était, elle arriva tant bien que mal à sa cabane où affluèrent tous les sauvages, le chef en tête qui était d’une exaspération outrée.

Il y eut comme un murmure de sourdes menaces contre l’auteur de cet odieux attentat. Bison-des-Plaines était au milieu de la foule. Il glissa adroitement aux oreilles de son voisin : Où donc est Fleur-du-mystère ? En effet, elle n’y est pas ; et ce mot passant de bouche en bouche, on comprit que Fleur-du-mystère s’était envolée avec Laurent qui devait être l’auteur du crime.

Bison-des-Plaines pouvait dormir tranquille, quoi qu’il eût mieux aimé voir Mélas mort.

Ce dernier se vit bientôt entouré de toutes les vieilles sauvagesses de la tribu ; la blessure n’était pas mortelle, mais l’humidité de la terre l’avait rendu plus difficile à cicatriser, et le sang perdu avait rendu Mélas d’une faiblesse désespérante. Le délire