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je voudrais croire qu’il n’existe pas, car il n’y aurait pas tant d’orages en moi. Oui, je sens là, au fond du cœur, quelque chose qui me dit : « Au-dessus des montagnes, au dessus de ce grain de sable que se disputent les hommes, il y a un être supérieur qui a mis en nous une soif inextinguible ici-bas. Il vient un moment dans la vie où le cœur, quelque méchant qu’il soit, s’avoue qu’il y a un Dieu qui punit et récompense et que, hors de lui, c’est le chaos, la mort, le néant, ce sont des ombres éternelles.

Pendant que Mêlas parlait ainsi, Bison-des-Plaines l’œil au guet, les yeux illuminés d’une lueur farouche et pleine de haine, tenait un tomahawk à la main droite, tandis que de la main gauche il écartait les branches des arbres avec précaution, L’enfant des bois est terrible dans sa colère et elle ne le rend pas aveugle au point de diminuer la sûreté du coup-d’œil, l’élasticité du poignet et la force des muscles. À voir Bison-des Plaines, on l’aurait pris pour un ours féroce des Montagnes-Rocheuses. S’acculant contre un arbre, pour mieux tenir et viser son ennemi, Bison-des-Plaines attendait le moment favorable. Soudain le bras de Bison-des-Plaines s’est élevé au dessus de sa tête et comme s’il fut mû par un ressort, il se détendit avec force. Un reflet a illuminé la sombre épaisseur des bois, un sifflement s’est fait entendre, et la chute d’un corps vint aver-