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heureux de mettre à tes pieds son cœur, son or et ses plus belles fourrures ; mais non, il a dû refouler en lui ses aspirations, ses sentiments, car il se savait indigne de la fille des visages-pâles déjà uni au blanc, mon frère et mon ami. Moi qui t’aime, j’ai juré la perte de ce lynx maudit qui trouble ta vie et qui a été assez lâche pour porter sa main sur toi et te frapper. Qu’il disparaisse de notre soleil ; il est de trop, et vous serez heureux, il est un obstacle, je veux l’enlever, et, une main sur son cœur pour l’empêcher de protester, Bison-des-Plaines dira : Pars, Laurent, pars Fleur-du-mystère, et soyez heureux. N’oubliez pas, aux rives du Sud, au milieu des grandes huttes, Bison-des-Plaines qui se dévoue surtout pour toi, fille au front pâle que j’aime avec une passion et une ardeur de sauvage. Les blancs ont le cœur léger comme une plume que le vent emporte et ils oublient ; mais, vous deux, sachez penser parfois au pauvre enfant des bois qui risque sa vie pour deux bonheurs. À tantôt. Repose en paix, ma colombe ; répare tes forces par un sommeil paisible, car le voyage que tu vas entreprendre sera long et pénible.

Bison-des-Plaines disparut au dehors, où il ne tarda pas à gagner les bois, à la recherche de Mélas. Il ne fut pas longtemps sans le trouver. Déjà quelques paroles entrecoupées arrivaient incompréhensibles à son oreille fine et exercée. Se hâtant d’arriver, il s’approcha du Hibou avec cette dextérité connue seule des sauvages dont les membres, souvent rompus aux exercices, se prêtent à toute la souplesse