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pur ; des senteurs de varech et de salin montent de la grève et rafraîchissent l’air que l’on respire avec volupté. Les bois sont pleins d’ombres et de mystères ; les oiseaux s’y appellent en jetant au zéphyre qui passe les notes suaves d’un chant joyeux et plein de douceur.

À cette heure du soir, où déjà les feux de la nuit s’allument aux portes des cabanes. Mélas a fui le wigwam où repose Fleur-du-mystère. Avant de s’éloigner, il a voulu contempler les traits de l’enfant qui dormait sous la triple garde de sa pureté, sa faiblesse et son Ange-Gardien. Une lueur sinistre a lui dans le grand œil noir du Hibou, à la vue de l’enfant endormie, dont les lèvres entr’ouvertes légèrement laissent passer un souffle faible, mais égal et harmonieux. Un bras sous sa tête, l’autre ramené chastement sur sa poitrine elle rêvait du ciel, car un nimbe lumineux semblait entourer son front, tant elle souriait d’un sourire doux et angélique. Mélas en fut frappé ; ne pouvant contenir le flot bouillonnant dans son cœur, il se pencha sur le corps de l’enfant, et ses lèvres sanguines effleurèrent le front de l’enfant qui y passa sa main sans s’éveiller. Encore une empreinte disparue sous une main impitoyable, se dit-il. Oh ! partout où j’ai voulu m’attacher, une main maudite s’est approché et m’a effacé ; partout cette main a passé le pinceau de l’oubli, et tout a disparu comme les songes au réveil. Hasard, serais tu dur ? ou bien Dieu serait il le hasard ? Après avoir formulé ce doute affreux, arraché par une douleur réelle, le Hibou sortit. Il lui fallait un peu d’air frais pour rafraichir son front brû-