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Alexandrine avait été calme, sans cris, sans larmes et sans explosions de douleur. Oh ! il fallait si peu pour ramener cette raison à laquelle il ne manquait qu’une corde. Dans ses moments de lucidité, la petite Zirma se voyait repousser des bras d’Alexandrine qui lui disait : Va, tu n’es pas mon Armande, car autrement mon sang serait plus chaud et mon cœur aurait moins froid. Elle parlait et sa main amaigrie pressait son front avec force, comme si elle eût voulu en faire jaillir une pensée nette, claire, et non pas une envolée d’ombres épaisses.

La nuit, à l’heure où tout chagrin dans un rêve s’endort, elle s’éveillait en sursaut. Des rêves pénibles hantaient son imagination en délire ; ne pouvant alors rester en repos, elle se dirigeait vers le lit où dormait Zirma. Elle y est encore, se disait-elle tout haut, en même temps qu’un long soupir semblait soulager sa poitrine. Pourtant il m’a semblé qu’on l’enlevait et que c’était des bandits à figures rouges qui me la ravissaient ainsi. Je me serai trompée ; et alors, chantant tristement, elle caressait la pauvre orpheline.

George, ne pouvant s’accoutumer à ce navrant spectacle d’Alexandrine caressant cette pauvre Armande qui la faisait vivre, voyait les larmes inonder sa figure. Il se levait, et la pressant dans ses bras, il lui parlait tout doucement. Elle l’écoutait sans parler et finissait par tomber endormie dans ses bras. La soulevant comme une enfant, il la déposait doucement dans son lit.

C’était ainsi que se passait les nuits, quand chez Alexandrine, l’imagination surexcitée travaillait d’un travail pénible, ayant à lutter contre un souve-