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— Oh ! oui, dit Laurent. Non, Fleur-du-mystère, continua-t-il, la pêche pour moi n’a pas été un désennui, aujourd’hui. Seul en ce monde, ignoré de tous, sans famille, sans amis, je regardais le passé sans en avoir peur, et je me demandais ce que j’étais venu faire en ce monde, seul, quand les autres ont des parents et des amis.

— Quel vent de douleur a passé sur ton front pâle ? répond Fleur-du-mystère ; tu parais bien malheureux ? et, s’avançant de plus près, elle lui prit la main en le regardant dans les yeux.

Laurent sentit des larmes de joie lui monter du cœur aux yeux. C’était le premier être qui lui donna ce signe d’amitié profonde et d’intérêt.

— Pourquoi ne chantes tu pas comme moi, sur les grèves, dans les bois avec les oiseaux ?

— Tu peux chanter, toi, Fleur-du-mystère, car tu as des parents, des amis…

— Je n’ai que Mélas, le Hibou, que j’appelle mon père, et voilà tout. Mais toi qui parais si doux, si bon, dis-moi, que fais-tu au milieu de nous ? D’où viens tu ? Bison-des-Plaines, mon bon ami, ne m’as jamais parlé de toi.

— Je viens de l’autre côté, et il montrait la rive Sud. Je suis ici, au Poste, depuis tout près de six mois.

— Six mois ! et je ne le savais pas ; oh ! mais je sors si peu souvent. Mon père ne veut pas que je sorte. Aujourd’hui Bison-des-Plaines est parti pour la chasse, il m’a permis de sortir. Oh ! que je suis contente de t’avoir connue. C’est mon pauvre cœur qui m’a fait choisir la grève où je devais te voir, plutôt que les bois où je n’aurais vu que les fleurs et