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l’enfant de la pauvre abandonnée. Il se demandait s’il n’était pas venu au monde pour souffrir, lui l’enfant de la misère.

Oh ! qui dira les drames inconnus qui se déroulent tous les jours, drames sombres, horribles, où les victimes refoulent sans cesse une plainte prête à s’échapper de leur cœur.

Laurent était à se demander comment il pourrait connaître cet enfant dont lui avait parlé Bison-des-Plaines, quand une voix suave et sonore vint le tirer de sa rêverie. Sur la grève une enfant délicate autant que brunie par le soleil et la fumée, à la chevelure pendante, s’avançait lentement en chantant avec cette douceur de voix particulière aux sauvages.

C’est bien là cette marguerite pâle dont parlait Bison-des-Plaines ! À sa vue, Laurent ressent un trouble inexprimable. Le rayonnement des yeux de l’enfant a trouvé le chemin de son cœur qu’aucune squaw n’a encore fait battre, pas plus qu’une visage-pâle.

Fleur-du-Mystère l’aperçoit et ne se trouble nullement. Le sourire sur les lèvres, elle s’approche plus vivement depuis qu’elle a vu Laurent. Innocente dans ses manières d’agir et de parler, candide en tout, simple comme la nature qui l’avait pour ainsi dire bercée, elle vient s’asseoir tout près de Laurent.

— Vous ne prenez pas de beaux poissons ? lui dit elle. On dirait que vous n’aimez pas ça ?

— Non, enfant… Quel est votre nom ?

— Je m’appelle Fleur-du mystère ; un beau nom, n’est-ce pas ?