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amour qui le porta au crime ; puis il avait haï et maudit ; maintenant il voulait ouvrir son cœur aux joies de se sentir aimé de l’enfant ravie, il voyait tout s’écrouler sous l’avenir de Fleur-du-mystère.

Laurent, du Poste, avait le cœur de l’enfant qu’il voulait pour lui seul. Le ciel me punit ! disait Mélas. Je suis condamné à traîner partout ma vie misérable et sans joie, à errer comme un vil lépreux à travers ce chemin si sombre de la vie. J’ai voulu semer le vent, et maintenant la tempête gronde sourdement au-dessus de ma tête, et je ne puis me mettre à l’abri. Triomphe, ciel, un moment. Au troisième coup, je plierai peut-être le front devant ta puissance.

C’est en gesticulant et en parlant ainsi que Mélas parcourut la grève déserte ; mais non, il n’était pas seul, Bison-des-Plaines avait suivi ses pas et il avait prêté l’oreille à toutes ses paroles.

Qu’était donc ce Laurent et comment avait-il connu Fleur-du-mystère ? Nous allons le voir.


VI

LE COMMIS DU POSTE.


Un jour, sur les bords de la belle Île d’Orléans, une pauvre malheureuse mourait d’inanition. Un brave cultivateur de l’endroit trouva le cadavre, et tout auprès un enfant faible, aux joues caves et au teint livide. Il fit enterrer convenablement la mendiante, et comme le ciel l’avait privé du bonheur d’avoir des enfants, il garda, de concert avec son épouse, le petit malheureux qui serait mort de faim, sans le secours de ces personnes charitables. On l’appela « Laurent, » parce qu’il avait été trouvé au bord du fleuve, et porta le nom de son père adoptif : Laurent Goulard.