Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et d’ardeur, il pouvait passer des heures entières à contempler Fleur-du-mystère qu’il trouvait de plus en plus mystérieuse ; mais, hélas ! il ne pouvait plus sortir de son cœur que des flammes brûlantes qui allaient détruire tout sur leur passage. Il veillait sur Fleur-du-mystère avec une vigilance d’Argus, ce monstre aux cents yeux, se contentant de lui apprendre, tant bien que mal, l’écriture et la lecture.

À douze ans, Fleur-du-mystère savait lire couramment. Le seul livre que Mélas lui laissa entre les mains, était celui qu’on avait trouvé sur un cadavre échoué au plain : les poëmes d’Ossian, ces éternelles plaintes du poëte à l’imagination en feu. Fleur-du-mystère en avait retiré une mélancolie douce et rêveuse qui la portait à s’isoler, à errer dans les bois et sur les grèves, pour entendre parler à son oreille ces mille et un bruits dont la nature sauvage est pleine. Quoique restreinte par Mélas, elle pouvait s’échapper parfois et se livrer au plaisir d’une longue marche, au bord des flots agités ou tranquilles.

Disons-le de suite : Mélas craignait Bison-des-Plaines qui veillait toujours. La vue de Fleur-du-mystère pouvait être fatale, et en s’aimant tous deux, Mélas pouvait être privé du cœur de cette fille qu’il aimait follement.

Pendant ce temps de véritable captivité, Fleur-du-mystère dépérissait comme ces fleurs privées du soleil, elle qui aimait tant l’air et la liberté. Quelle jouissance entre une vieille sauvagesse à moitié