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quel elle est en contact presque journalier ; outre cela, il y a en elle quelque chose de mystérieux qui étonne et qui frappe. En la voyant, il tombe de ses yeux timides et voilés, de son front chaste et candide, un charme qui serre le cœur. On se croirait en présence d’un être créé et mis au monde pour être la personnification de la douleur. N’avez-vous jamais vu, au coin d’une des grandes rues de nos villes, ces enfants venus d’une terre étrangère, dont les traits hâlés et la figure mélancolique vous disent : « Ils ont souffert ! » Eh ! bien, Fleur-du-mystère ressemblait à ces petites Italiennes qui errent dans les villes, chantant aux portes, pour recueillir quelques sous qui leur donneront du pain. Comprendrait-elle, la pauvre enfant, qu’elle n’a pas été jetée par la main du hazard, sur ces rivages où vivent les enfants des bois ? Elle en a peut-être un secret pressentiment, quand elle revient sur elle même et consulte son cœur.

Pourtant Mélas est là, auprès d’elle, et elle l’appelait : son père. Mélas dont la chevelure commençait à montrer, aux tempes surtout, de nombreux fils d’argent. Mélas était tout changé. Il avait eu des projets de vengeance contre cette frêle enfant qu’il avait ravie un jour ; il s’était dit : « Elle souffrira pour expier ce que j’ai souffert ; » logique brutale d’un cœur ulcéré et rempli de fiel.

Pourtant, il devait en être autrement. À mesure que Fleur-du-mystère grandissait en beauté, le vrai portrait de sa mère, cet homme sentait ses entrailles s’émouvoir de plus en plus, lorsqu’il osait la brutaliser pour des riens. Elle n’était pas coupable elle, pas plus que sa mère. Il lui répugnait parfois de se sentir porté comme malgré lui vers cet enfant d’A-