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mauvaises passions du cœur humain. Elle accueillit l’enfant avec une certaine joie.

Quand la tigresse a passé l’âge de la maternité, dit elle, si elle rencontre le petit de l’ours, elle le lèche et se plaît à rester auprès de lui. Moi je suis une vieille tigresse au front ridé, à la peau parcheminée ; eh ! bien, j’aimerai cette enfant comme la perdrix peut aimer ce qu’elle a couvé et qui n’est pas de sa race, de sa tribu. C’est une fleur enlevée à quelque oasis, eh ! bien elle réjouira la vue de la vieille jongleuse.

Écoute femme, dit Mélas, je vais rester ici, avec toi ; tu auras soin de l’enfant comme toutes les sauvages de la tribu ont soin des leurs, mais prends garde à ta maudite langue. Que l’eau de feu des traiteurs ne la délie pas ou sinon tu pourrais bien aller rejoindre les mânes de tes aïeux. Il est des bêtes qui, se voyant au pouvoir de leur ennemi, se soumettent à ses désirs, quitte à les mordre plus tard dans l’occasion. N’essaie par ce métier là. Tiens ta promesse et sois y fidèle. Tu élèveras cette enfant sans ménagement. C’est une enfant maudite qui doit souffrir pour expier… et il sortit, ne pouvant en dire davantage.

Quand Mélas revint au wigwam, il avait vu ses deux bras droits, solder leur compte et avait reçu d’eux la promesse qu’ils ne diraient à personne l’aventure arrivée. Ils devaient se contenter de dire que cette nouvelle arrivée avait été abandonnée et recueillie par eux par pitié.