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bois, montrer plus de cœur que le Visage-pâle, élevé parmi le monde chrétien et civilisé ! Quel contraste ! Oh ! mes chers enfants des bois, votre cœur magnanime, rempli de passions, peut parfois s’égarer de la bonne voie ; mais vous pouvez en remontrer par les bons sentiments, à bien de nos compatriotes qui ont une âme de boue. La nature, votre grande institutrice, vous a bercés, dès vos premiers pas dans la vie, et elle a mis en vous une corde sensible qu’on ne trouve pas toujours chez les Visages pâles. Vous êtes plus grands dans votre héroïsme, que vous avez été moins privilégiés du ciel que mes compatriotes qui ont abusé de ce que le bon Dieu leur avait départi.

La Chouette se leva lentement et sortit avec précaution. Il revint bientôt avec quelques fruits qu’il fit manger à l’enfant qui se prit à sourire à ce sauvage qui lui faisait tant peur auparavant.

Mélas, le front ridé, la main droite dans les cheveux, regardait ce tableau vivant : Une enfant frêle comme un roseau, nourrie par un sauvage dont le cœur, meilleur encore que le sien, s’était laissé attendrir par les cris de la victime.

Quelque temps après cette petite scène, nos voyageurs se rembarquaient avec le baissant qui les aida beaucoup à gagner Betsiamites, où ils arrivèrent un peu avant que le soleil passa au zénith.

L’enfant fut débarqué et emporté quasi secrètement sous la tente où l’attendait une vieille sauvagesse qui avait été jongleuse autrefois, ; et que la religion avait ramenée à de meilleurs sentiments, tout en lui laissant une certaine dose de faiblesse plus qu’apparente en présence de l’eau de l’eau-de-vie (rhum). On peut dire, sans médisance, qu’elle avait en germe (et quelques-unes développées) toutes les