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DEUXIÈME PARTIE

SUR LA CÔTE NORD.

I

PAUVRE FOLLE !


On se rappelle la scène navrante qui se passa lors de l’enlèvement d’Armande par la Chouette et le Crochu, les deux bras droits de Mélas. On n’a pas dû oublier qu’Alexandrine, frappée pour ainsi dire de vertige, tant la douleur avait été aiguë, s’était jetée sur le berceau vide de son enfant, et qu’elle ne s’était levée de là que pour donner le triste spectacle d’une intelligence dévoyée, d’une intelligence dont le foyer s’était éteint.

Le Pasteur, après avoir fait évacuer la chambre que les gens envahissaient, s’était approché de la pauvre mère inconsciente de ses actes. Mon enfant, lui dit le vénérable pasteur, soyez courageuse contre les épreuves qui vous assaillent ; Dieu éprouve ceux qu’il aime.

Dieu !… Dieu !… dit elle, comme si un éclairci s’était fait soudain dans son esprit, il sait bien lui où est mon enfant ; qu’il me la rende, mon Armande, elle que George n’a pas connue. Mais mon cœur se tait ; il ne veut pas maudire… Armande ! Armande… oh ! reviens à moi, dans mes bras ; tu étais ma vie, mon amour, pourquoi t’es tu envolée ? Ah ! le traître ! ne le voyez-vous pas, là, au détour du lit, avec sa face rouge de Satan sorti de l’enfer ? Il rit comme un démon et s’avance pour saisir mon enfant. Il la prend… l’emporte… et la mère, de-