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Enfin ! l’heure est venue de partir pour la haute mer. Mais avant, il faut unir jour la vie ces enfants qui s’aiment tendrement. Tout fut convenu et fait bien tranquillement. Pas d’étalage de toilette coûteuse ; rien de pompeux, mais quelque chose de simple comme les mariages de la primitive église : du blanc partout et des couronnes de fleurs.

Toute la paroisse aima ce mariage simple mais grand ; aussi y eut-il foule. On aimait George, et surtout depuis que Plume-d’aigle avait manqué le ravir à l’estime de tout le monde. Il y eut des larmes de joie et des sanglots de douleurs, car Alexandrine sentait un vide entre George et elle, lui qui allait partir dans quelques jours.

Huit jours s’étaient écoulés depuis leurs serments de n’être qu’à eux pour la vie et de s’aimer charitablement. On les retrouva sur ce même banc qui les vit se jeter dans les bras l’un de l’autre, à l’heure du retour de George après cinq années d’absence. Alexandrine est pâle et toute défaite. Des larmes abondantes parties comme de deux sources, coulent sur son visage attristé. Elle a mis sa robe bleu-ciel et le soleil couchant fait reluire sa chevelure qui a des reflets d’acier. Les perles à ses doigts ont moins de prix que celles qui tombent de ses yeux. Sa tête se penche et rencontre pour appui l’épaule de son mari

— Mon George, tu pars de nouveau ? Oh ! pourquoi ce départ me trouve-t-il encore sans énergie sans force et sans armes ? Je suis si bien dans tes bras où je suis tout à toi ! Pourquoi me repousser ? Pourquoi t’éloigner ? Pourquoi ne pas me garder là près de ton cœur dont la chaleur empêche le mien de mourir. Oh ! ne brisons donc pas cette chaîne étroite qui nous unit. Mon George, mon amour, ma vie, mes larmes et mes caresses ne pourront pas te retenir dans mes bras ?