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sur lui, dans le cœur d’Alexandrine. Il avait pour son compagnon d’enfance tous les ménagements possibles, et cette conduite loyale, loin de diminuer l’aigreur de Mélas, ne faisait que l’augmenter, il voyait George, son rival, non seulement l’emporter sur lui dans le cœur d’Alexandrine où il n’avait nulle place, mais encore il le voyait supérieur à lui en courage, en noblesse de caractère et en magnanimité.

Passons sous silence les longues insomnies de Mélas, ses veilles fiévreuses où, la tête en feu, les yeux secs de larmes, le front pâle et ridé, les cheveux en désordre, il n’avait à la bouche que des paroles d’imprécations et de menaces horribles ; parfois on aurait dit que le remords qui glissait presque toujours sur son âme, comme un boulet sur une surface plane, le mordait à certaines heures, et il se prenait à regretter de s’être avancé aussi loin. Mais non, il ne pouvait reculer ; la jalousie doublée de son orgueil, l’empêchait de reculer : il ne pouvait donc que se plonger davantage dans la voie tortueuse du mal. Le remords se faisait à son âme molle et déjà entre les mains de Satan ; et la rage plus forte, réagissant sur son cœur gangrené, le rendait fou.

Le mois de septembre était arrivé, et avec lui les oiseaux de la nouvelle couvée essayèrent leurs voix. George et Alexandrine coulaient des jours heureux, l’un auprès de l’autre. Pas de nuage dans le ciel