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une grande quantité de troncs d’arbres que je renoncerai à décrire un à un, vu que cela pourrait à la longue devenir un peu monotone : ces troncs d’arbres, dont je ne pouvais apercevoir le feuillage, galopaient de toute la vitesse des chevaux et fuyaient comme une armée de bâtons en déroute. À travers cette espèce de grillage mouvant, apparaissaient des terres labourées, des cultures de teintes différentes, quelques petites maisons, avec un filet de fumée, des processions de peupliers, des groupes d’arbres à fruit, et, tout à l’extrême bord, un ourlet bleu, haut de deux doigts ; puis, par-dessus, de grands bancs de nuages gris-pommelé, avec des traînées d’azur verdâtre à de certains points du ciel, et des entassements de flocons neigeux, comme une fonte de glace dans une des mers du pôle. Le ciel était très-beau, grassement peint, d’une touche large et fière ; quant aux terrains, je les ai trouvés beaucoup moins bien réussis ; les lignes étaient froides, la couleur sèche et criarde : je ne conçois pas comment la nature pouvait avoir l’air aussi peu naturelle