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vée auprès de la postérité de ce beau témoignage d’un talent, disons même d’un génie trop peu apprécié des contemporains.

En contemplant ce désastre, nous éprouvions l’amer chagrin que cause l’irréparable. Un palais au besoin se rebâtit, mais un chef-d’oeuvre disparu, une peinture évanouie dans un tourbillon de flamme et de fumée se dissipent comme une âme impossible à reconstituer. Sur ce bûcher infâme, ce n’était pas comme sur le bûcher antique, le corps de notre ami qui avait brûlé, c’était son esprit même.

Le plafond de Gendron, où l’allégorie nouait et dénouait dans l’azur des guirlandes de femmes blanches et roses d’une grâce si exquise, est tombé au gouffre incandescent ouvert sous lui. Le Justinien d’Eugène Delacroix, cette magnifique peinture qui avait le fauve éclat d’une mosaïque byzantine, n’a pu être sauvé. On a perdu aussi des tableaux de Paul Delaroche, et bien des œuvres regrettables.

Dans la cour, soulevés par un léger souffle d’air, voltigeaient de petits morceaux de papier brûlé, papillons noirs de l’incendie, dansant sur les ruines au milieu d’un rayon lumineux.