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sous la lueur livide d’un soleil descendant derrière des brumes chargées de pluie. Les lignes ébréchées des maisons privées de leur toit et de leur couronnement auraient pu faire croire, par l’étendue, la promptitude et la simultanéité du ravage, à l’explosion soudaine d’un volcan. Ce désastre semblait plutôt causé par une catastrophe de la nature que produit par la main de l’homme, à qui l’on n’aurait pas jusqu’ici supposé une puissance de destruction si rapide, et l’œil n’admettait qu’avec peine ce changement à vue d’horizon.

À l’angle de la rue, la maison où logeait Mérimée ne présentait plus que les gros murs à moitié ensevelis dans un tas de poutres carbonisées, de moellons calcinés, de débris de toutes sortes.

La bibliothèque, rare et choisie, du célèbre écrivain avait été, nous disait-on, entièrement consumée, et peut-être une sœur de Colomba et de Carmen s’était-elle envolée du brasier dans une gerbe d’étincelles.

Heureusement Mérimée était mort à Cannes pendant le premier siége, et cette douleur si vive pour un lettré de savoir ses chers livres et