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d’ameublement respecté par un caprice des flammes, tel était le spectacle qui surprenait douloureusement la vue. Sans d’énormes poutres d’étai, ces débris calcinés seraient tombés en travers de la rue et auraient écrasé les passants et les spectateurs ; mais déjà l’activité humaine s’était remise au travail, déblayant les gravats, abattant ce qui menaçait ruine, soutenant ce qui pouvait être conservé, bien peu de chose, hélas ! Si la perte encore n’était que matérielle, mais sous ces décombres il y a des corps ensevelis !

Sur la place de la Concorde la plupart des colonnes rostrales sont atteintes, trouées à jour bizarrement ; les néréides d’Antonin Moine ont été saccagées, la ville de Lille a perdu sa tête et son torse, emportés par les obus : elle est littéralement coupée en deux. Les statues de la place semblaient regarder de leurs fixes yeux blancs, avec la muette pitié de la pierre, leur pauvre sœur mutilée ; elles auraient bien fait de conserver le bandeau de crêpe noir dont on leur avait ceint les tempes pour les trois grands jours néfastes.

Par une sorte de miracle, l’obélisque de Louqsor se dressait intact sur sa base de granit gris. Les hiéroglyphes gravés en creux sur ses parois con-