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Une jeune dame franchit la grille du Labyrinthe, traînée en brouette par un vigoureux porteur ; elle joue de l’éventail en coquette avec un blondin qui marche près d’elle et lui dit des douceurs ; un coureur la précède, un basque dératé portant la toque à plumet, la courte jaquette, la ceinture sanglée sur le ventre, dont les bouts retombent, et la grande canne à pommeau d’argent. Nous avons vu à Stuttgart, exactement dans cette tenue, un coureur, le dernier de sa race sans doute, qui s’aidait de cette canne comme les toreros de la garocha pour soulever ou franchir des obstacles. Rien n’était étrange comme cette apparition des temps passés au milieu de notre civilisation moderne. Ces coureurs devançaient toujours les voitures, ce qui ne paraîtra pas étrange à ceux qui connaissent les saïs d’Égypte et les zagales d’Espagne.

L’usage de la brouette était d’ailleurs fréquent sous Louis XIV, et la cour se promenait dans le jardin voiturée fort commodément de la sorte ; un des lieux les plus favorables à cette procession de brouette était le tour du grand bassin, appelé l’isle Royale ou l’isle d’Amour ; cette pièce d’eau ne mesurait pas moins de cent trente toises en