Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’existaient pas alors, quoique Milton en ait mis dans la bataille des bons et mauvais anges à une date bien antérieure ; mais le caractère de la scène n’avait assurément rien de moderne. L’expression des têtes, l’attitude des corps, la robustesse des chevaux, semblables aux chevaux historiques des grands maîtres, ce mélange d’armes et de feuillages sortent violemment les yeux de leurs spectacles habituels et font penser à des tableaux d’un autre âge.

Cette vérité nous fut démontrée un jour de la manière la plus évidente par une scène des plus étranges. Il nous sembla voir sur la place d’armes de Versailles, agrandi aux proportions de nature, un de ces merveilleux dessins où Decamps, cherchant le style antique, représentait des épisodes de la vie barbare : campements, attaques, déroutes, défilés de captifs, migrations, charroi de butin, conduite de troupeaux enlevés et autres sujets de ce genre, que le succès de la bataille des Cimbres l’engageait à traiter.

C’était une halte de prisonniers qu’une escorte conduisait à Satory. Il faisait ce jour-là une chaleur à mettre les cigales en nage. Pas un souffle d’air, pas un nuage au ciel. Le soleil versait sur