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et lamentables comme le râle d’un mourant parvenaient à notre oreille. C’étaient deux pauvres enfants hâves, déguenillés, qui soufflaient dans des cornets à bouquin, achetés sans doute avec quelques sous extirpés à l’aumône.

Rien de plus lugubre que cette trompe de terre cuite qui sonne, nous ne savons trop pourquoi, « le joyeux appel du carnaval, » et qui serait mieux à sa place dans un convoi funèbre. En effet, c’était la semaine grasse, et les deux Gavroches, mal informés de la situation, mais connaissant les traditions carnavalesques, essayaient à leur manière de fêter mardi gras, en toute innocence de cœur sans doute, car le gamin est patriote. Bientôt ils s’aperçurent du mauvais effet produit par cette note discordante dans le silence et la tristesse de la ville. Ils baissèrent le ton, comme effrayés du bruit qu’ils faisaient, et finirent par remettre leurs cornets dans leur poche.