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Philippe du Roule contient un calvaire de la dimension du calvaire de Tintoret à la Scuola di San Rocco, œuvre pleine de génie et de passion, d’une mélancolie intense, de notre cher et toujours regretté Théodore Chasseriau, dont la perte n’a pas été assez sentie quoique le grand art la déplore et la déclare irréparable. Il est mort bien jeune aussi celui-là, à l’âge de Raphaël et de lord Byron, et Gustave Moreau, le peintre de l’Œdipe, a fait dans un tableau d’un charme funèbre et pénétrant sous le titre de : le Jeune homme et la Mort, une apothéose de ce génie qu’il aimait et comprenait. Hélas ! on a beau, quand on avance dans la vie et que vos compagnons de jeunesse s’arrêtent sur le bord du chemin, avoir des amis qui pourraient être vos fils, ils meurent encore avant vous et il faut suivre leur cercueil !

Après avoir silencieusement serré la main au vieux Giraud, — c’est ainsi qu’on l’appelait pour le distinguer du jeune Giraud, — car que peut-on dire à un père foudroyé d’une telle douleur ? nous reprîmes lentement le chemin de notre logis, à travers les Champs-Élysées, accablé d’une désespérance et d’une tristesse profondes. De temps à autre quelques sons rauques, étranglés