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soupir, de ses lèvres distraites. Elle sent qu’elle n’est pas écouté et suit son rêve. Rien de plus séparé que ces deux êtres, tous deux jeunes et beaux, placés aux deux bouts d’un divan.

Le luxe qui les entoure a une richesse sourde, une ardeur sombre, et comme une gravité funèbre malgré la violence des tons conservés dans l’ombre avec une superbe maestria de coloris. Ce ne sont que rideaux et portières d’étoffes où s’est épuisé l’art de l’Orient, que tissus magnifiques, que tapis de Smyrne, de Kabylie ou de Turquie, plateaux incrustés de nacre, armes constellées de pierreries, narghilés du Khorassan, et cependant il y a quelque chose de tragique sous cet amoncellement de splendeurs. Celle chambre pourrait servir de fond à quelque scène de jalousie et de meurtre. Le sang ne ferait pas tache sur ces tapis d’une pourpre sombre.

La troisième aquarelle n’est qu’un simple bouquet de palette, un sélam de couleurs orientales épanouies dans un rayon de lumière. Elle représente une cadine ou une odalisque se tenant debout au milieu de sa chambre et comme ravie de sa beauté et de son costume chatoyant. Tout cela fait au premier coup avec une fraîcheur et une