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il se leva et partit, après nous avoir donné une poignée de main cordiale, avec son ami Clairin et le camarade qui les avait amenés.

Cette première entrevue, où Regnault nous avait charmé par l’aimable simplicité de ses manières, son esprit naturel et cette supériorité qui se dégageait de sa personne, fut aussi la dernière. Nous ne le revîmes plus ; et nous ne le reverrons plus. Nous ne l’avons connu que pour le perdre, et juste assez pour augmenter l’amertume de nos regrets. Il nous faut avec le grand artiste pleurer l’ami, car il l’était déjà au bout de ces quelques heures passées ensemble. Nous le sentions, et tout un précieux avenir de liaison sympathique se ferme devant nous.

Si Henri Regnault avait vécu, nous eussions dans l’ombre ces petits détails intimes, alors sans intérêt, mais on nous pardonnera d’avoir découpé, après une entrevue unique, cette silhouette d’une aimable figure à jamais évanouie.

Certes, dans la période désastreuse que nous venons de traverser, il y a eu des deuils irréparables, des douleurs qui saigneront toujours ; il s’est fait des lacunes qui seront longues à combler ; bien des noms manqueront à l’appel,