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rappelant les queues des anciens hussards ou des postillons.

Vainement ils avaient tendu au public leurs flexibles proboscides, et ils lui tournaient le dos d’un air irrité. Ces manifestations de colère ne leur suffisant pas, ils barrissaient avec fureur. Rien de plus étrange, de plus lugubre et de plus formidable que ce cri de l’éléphant. Quand on ne ne le connaît pas et qu’on l’entend à l’improviste, il remplit de stupeur les plus braves. On ne sait d’abord ce que c’est, et s’il vient du ciel ou de l’enfer, tonnerre ou grondement souterrain. Cela ronfle comme une pédale d’orgue ou éclate, comme la trompette de Jéricho, avec des mugissements et des strideurs qui assourdissent ou déchirent l’oreille : c’est bien la voix d’un de ces monstres de l’ancien monde échappés au déluge et conservant les énergies de la vie primitive. Ce jour-là les éléphants, dont la tête a l’honneur de coiffer symboliquement la statue de Ganésa, le Dieu indien de la sagesse, n’étaient vraiment pas raisonnables, et leur rauque musique faisait fuir le rhinocéros, dont nous eûmes à peine le temps d’entrevoir par derrière la carapace cornée. Tant de bruit pour quelques bouchées de