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quand une voix cria : « Ne vaudra-t-il pas mieux faire une statue avec ces pains de neige ? » L’avis parut bon, car MM. Falguière, Moulin et Chapu se trouvaient de garde ce jour-là. On dressa un semblant d’armature en moellons ramassés de côté et d’autre, et les artistes, à qui M. Chapu servait complaisamment de praticien, se mirent à l’œuvre, recevant de toutes mains les masses de neige pétrie que leur passaient leurs camarades.

M. Falguière fit une statue de la Résistance et M. Moulin un buste colossal de la République. Deux ou trois heures suffirent à réaliser leur inspiration, qui fut rarement plus heureuse. Ce n’est pas la première fois du reste que de grands artistes daignent sculpter ce marbre de Carrare qui descend du ciel sur la terre en poudre scintillante. Michel-Ange modela pour satisfaire une fantaisie de Pierre de Médicis une statue colossale de neige – chose rare à Florence – dans la cour même du palais, et ce badinage où éclatait le génie de l’artiste, car lorsqu’on a la pensée, la matière importe peu, lui valut la faveur du nouveau grand-duc, qui le protégea comme avait fait Laurent le Magnifique.