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où nous avons souffert, où nous avons supporté la vie telle qu’elle est, mêlée de biens et de maux, de plus de maux que de biens, où se sont écoulés les jours qui ne reviendront plus et qu’ont visités bien des êtres chers partis pour le grand voyage. Nous avons senti là, dans notre humble sphère, quelque chose d’analogue à la tristesse d’Olympio...

L’heure s’avançait et les portes de Paris ferment maintenant à cinq heures. Avant de quitter notre chère demeure abandonnée, nous allâmes faire un tour au jardin. La brume du soir commençait à monter et à mettre au bout des allées des gazes bleuâtres. Le vent poussait les feuilles mouillées, et les arbres dépouillés tremblaient et frissonnaient comme s’ils avaient froid. Quelques dahlias achevaient de se flétrir dans les plates-bandes, et un vieux merle botté de jaune, à nous bien connu, partit brusquement devant nos pieds en battant des ailes comme s’il voulait nous saluer. Deux formidables coups de canon envoyés comme bonsoir aux redoutes prussiennes par le Mont-Valérien, ne parurent pas effrayer beaucoup l’oiseau habitué à ces vacarmes.